Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/186

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les habitants de je ne sais quelle paroisse le prièrent un jour de trouver bon qu’ils s’avouassent de lui pour être exemptés des gens de guerre : « Mais, leur dit-il, que me donnerez-vous ? — Monseigneur, nous vous ferons un présent. — Mais je veux quelque chose de certain. » Il ne leur promit point qu’auparavant ils ne fussent tombés d’accord de la somme et du terme, et il les avertit, comme ils s’en alloient, qu’ils lui envoyassent sans faute cette somme, car il la leur demanderoit plutôt la veille que le lendemain.

Un jour qu’il avoit haussé bien des fermes, le marquis de Rostaing, autre avaricieux, disoit : « Voilà un homme qui nous apprend bien à vivre. » Il avoit l’âme d’un intendant de grande maison : jamais homme n’a tenu ses papiers en meilleur ordre. Il couroit à cheval sur une haquenée par Paris, avec un seul valet de pied, pour solliciter un procès. Il alloit chez feu La Martellière, les jours de son conseil : en ces temps-là les avocats n’étoient pas si lâches qu’à cette heure. Il alloit voir Vitray deux fois la semaine, comme un homme de bon sens. S’il eût été propre, il n’auroit point été trop mal. Il eut de belles terres de la confiscation de M. de Montmorency ; mais son plus grand bien venoit des affaires qu’il avoit faites.

M. le Prince dépensoit pourtant beaucoup ; mais sa dépense ne paroissoit pas. Il avoit des équipages complets en plusieurs maisons ; il donnoit à ses gens le

    repos de l’âme de Henri de Bourbon, prince de Condé. Ce service fut célébré pour la première fois le 10 décembre 1683 dans l’église des Jésuites de la rue Saint-Antoine. Ce fut Bourdaloue qui prononça l’oraison funèbre. (Lettre de Madame de Sévigné à Bussy Rabutin, du 16 décembre 1683.)