Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/195

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

lui avoit fait présent de deux pièces de tabis de Gênes violoit, le plus beau du monde. Il en donna une en secret à M. de Chartres, et lui dit : « Ne manquez pas de me venir voir un jour habillé de cet habit ; je serai aussi habillé de même. » M. de Chartres le remercie de ce double honneur, et emporte la pièce de tabis sous son manteau. Le soir, le cardinal demande ces deux pièces d’étoffe : on n’avoit garde d’en trouver plus d’une. Il fait un bruit étrange, accuse ses valets-de-chambre de friponnerie, et dit qu’il vouloit absolument qu’on la trouvât. Deux jours après, voilà M. de Chartres qui vient avec son beau tabis. Tous les valets-de-chambre reconnoissent l’étoffe ; et puis la bonne réputation du prélat ne servoit pas beaucoup à détruire cette vérité. Ils grondent, l’accusent tous d’avoir joué à les perdre, et lui font un bruit de diable. Le cardinal se crevoit de rire de le voir en cette peine, et quand il s’en fut bien diverti, il découvrit tout le mystère. Cela montre assez quel cas en faisoit le cardinal.

J’ai déjà dit qu’il étoit le maréchal-de-camp comique. Il plaçoit à la comédie. Il fit pis une fois (à la représentation de Mirame), car il y parut le bâton à la main, en habit court, comme auroit fait un maître-d’hôtel, à la tête de ceux qui portoient la collation à la Reine. L’abbé de Villeloin dit à quelqu’un que c’étoit ce qu’il avoit vu de plus beau à la comédie. Le prélat le sut, et se repentit de l’avoir fait[1]. Mais il falloit un

  1. On lit le compte suivant de cette représentation et du rôle officieux qu’y joua le prélat, dans les Mémoires de Marolles : « M. de Valençay, alors évêque de Chartres, et qui fut bientôt après arche-