Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/201

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pourtant un moulin, et on se moqua bien de Joyeuse de s’être laissé ainsi attraper, lui qui croyoit être l’homme le plus fin du monde.

M. de Laon ne lui parla guère plus doucement que le prieur de Bourgueil. Il voulut être député depuis la mort du cardinal de Richelieu. M. de Laon l’en empêcha, et, non content de cela, il lui dit : « J’en rends grâces à Dieu, vous auriez pillé la province. — Hé ! monsieur, après avoir donné la farine de votre vie au monde et au diable, donnez-en au moins le son à Dieu. » N’ayant pas un sou, il envoya quérir un chanoine mal famé, nommé Bertemet, et le pressa tant que l’autre lui prêta douze mille livres, à condition qu’il le feroit grand-vicaire. Quelque temps après, comme Bertemet le sommoit de sa promesse, il suppose une lettre non signée, contenant plusieurs friponneries du chanoine. Il se la fait rendre, étant à table, en présence de cet homme qui y étoit aussi. Il la lit, et d’une mine refrognée la mit sous son cul. Après dîner, il la donne à lire à Bertemet, lui disant qu’il ne croyoit rien de tout cela, mais qu’il s’en falloit justifier ; et comme cet homme sortit de la salle, les pages et les laquais, qui avoient le mot, lui firent un pied de nez, et en bas il courut fortune d’être berné.

L’année qu’il mourut, à la dernière assemblée du clergé dont il a été, plusieurs prélats firent partie d’aller souper à Saint-Cloud chez la Du Ryer, à tant par tête. Chacun lui donna son argent, et il se chargea du festin. Il dit à la Du Ryer : « Je vous donnerai l’argent à Paris, je n’en ai point sur moi. » Il avoit trente-cinq pistoles que les autres lui avoient données. La pauvre Du Ryer n’en eut jamais rien.