Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/213

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Joinville avoit pour elle, qu’elle lui persuada d’entreprendre sur la vie de M. de Bellegarde. En effet, un soir que le Roi soupoit chez M. Zamet, M. de Bellegarde fut blessé par M. de Chevreuse à la porte de cette maison. Mais ses gens poursuivirent l’agresseur si vertement qu’ils l’eussent tué sans le secours du vidame du Mans qui se trouva là par hasard, et y fut si fort blessé par-derrière qu’il en pensa mourir. Le Roi, indigné de cette action, vouloit faire couper le cou à M. de Chevreuse, et ne vouloit point qu’on pansât le vidame ; mais madame Zamet, qui parloit au Roi fort librement, et qui étoit des bonnes amies de madame de Rambouillet, mère du blessé, lui dit qu’il ne falloit pas aller si vite ; que le moins qu’on pouvoit faire, c’étoit de savoir comment la chose s’étoit passée ; que cependant elle mettroit le blessé dans son propre lit, et en auroit tout le soin imaginable[1]. Elle le fit comme elle l’avoit dit. Le vidame guérit, mais avec bien de la peine, car on ne pouvoit avoir le pus d’entre les côtes, et il seroit mort sans un valet-de-chambre chirurgien qu’il avoit, qui eut assez d’amitié pour lui pour sucer le pus. Le Roi, qui sut que le vidame ne s’étoit point trouvé à l’action de M. de Chevreuse, mais que voyant plusieurs personnes contre un seul, il s’étoit mis du parti le plus foible, ne fut plus en colère contre lui. Madame de Guise et mademoiselle de Guise, depuis princesse de Conti, firent la paix de M. de Chevreuse, quoiqu’elles fussent toutes deux fort

  1. Elle lui dit encore : « Sire, chacun est maître chez soi ; vous l’êtes chez vous ; moi, je serai la maîtresse céans, s’il vous plaît. » (T.)