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mettre entre les mains. » C’étoient cent mille écus et davantage. « Vous vous moquez, monsieur de Rambouillet, dit le Roi, c’est votre épargne. — Sire, il faut que vous la preniez, vous en aurez bon besoin. »

À la bataille de Jarnac[1], il avoit fait merveilles avec ses gendarmes. Henri III, alors duc d’Anjou, écrivit à Charles IX qu’on devoit le gain de la bataille à M. de Rambouillet, et on garde dans la maison une lettre du Roi par laquelle il en remercie M. de Rambouillet. Cependant Henri III ne fit point faire fortune à un homme qu’il estimoit tant. On dit qu’il reconnoissoit qu’il avoit tort, et que s’il n’eût point été tué, il lui eût fait beaucoup de bien.

On voit dans les Amours du grand Alcandre comme feu M. le marquis de Rambouillet, alors vidame du Mans, fut blessé chez M. Zamet[2]. Voici comment la chose arriva. M. de Chevreuse, qu’on appeloit en ce temps-là le prince de Joinville, étoit amoureux de madame la marquise de Verneuil. Lorsque Henri IV obtint du Pape et de la reine Marguerite le consentement nécessaire pour la dissolution de son mariage, la marquise, enragée de voir échapper sa proie, s’en prit à M. de Bellegarde ; et, quoiqu’il eût été un de ses adorateurs, elle le soupçonna d’avoir donné ce conseil au Roi. Pour s’en venger, elle sut si bien se prévaloir de la passion que M. le prince de

  1. Gagnée par Henri III sur les Huguenots, le 13 mars 1569.
  2. Voyez les Amours du grand Alcandre, à la suite du Journal de Henri III ; Cologne, P. Marteau, 1663, p. 255. M. de Rambouillet y est désigné par le nom de Lucile. Nous ne croyons pas que l’on puisse trouver ailleurs que dans Tallemant une meilleure explication du passage.