Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/219

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

complaisant, car elle n’a jamais rien voulu que de raisonnable. Cependant elle jure que si on l’eût laissée jusqu’à vingt ans, et qu’on ne l’eût point obligée après de se marier, elle fût demeurée fille. Je la croirois bien capable de cette résolution, quand je considère que dès vingt ans elle ne voulut plus aller aux assemblées du Louvre : chose assez étrange pour une belle et jeune personne, et qui est de qualité[1]. Elle disoit qu’elle n’y trouvoit rien de plaisant que de voir comme on se pressoit pour y entrer, et que quelquefois il lui est arrivé de se mettre en une chambre pour se divertir du méchant ordre qu’il y a pour ces choses-là en France. Ce n’est pas qu’elle n’aimât le divertissement, mais c’étoit en particulier.

Elle a toujours aimé les belles choses, et elle alloit apprendre le latin, seulement pour lire Virgile, quand une maladie l’en empêcha. Depuis, elle n’y a pas songé, et s’est contentée de l’espagnol. C’est une personne habile en toutes choses. Elle fut elle-même l’architecte de l’hôtel de Rambouillet, qui étoit la maison de son père[2]. Mal satisfaite de tous les dessins qu’on lui faisoit (c’étoit du temps du maréchal d’Ancre, car alors on ne savoit que faire une salle à un côté, une chambre à l’autre, et un escalier au milieu : d’ailleurs, la

  1. À l’entrée qu’on devoit faire à la Reine-mère quand Henri IV la fit couronner, madame de Rambouillet étoit une des belles qui devoient être de la cérémonie. (T.)
  2. C’étoit l’hôtel Pisani. M. de Rambouillet vendit, en 1606, l’ancien hôtel de sa famille, à Pierre Forget Du Fresne, moyennant trente-quatre mille cinq cents livres tournois ; et, en 1624, le cardinal de Richelieu l’acheta au prix de trente mille écus pour le détruire ; et il construisit à sa place le Palais-Cardinal, devenu le Palais-Royal. (Sauval, Antiquités de Paris, t. 2, p. 200.)