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place étoit irrégulière et d’une assez petite étendue), un soir, après y avoir bien rêvé, elle se mit à crier : « Vite, du papier ; j’ai trouvé le moyen de faire ce que je voulois. » Sur l’heure elle en fit le dessin, car naturellement elle sait dessiner ; et, dès qu’elle a vu une maison, elle en tire le plan fort aisément. De là vient qu’elle faisoit tant la guerre à Voiture de ce qu’il ne retenoit jamais rien des beaux bâtimens qu’il voyoit, et c’est ce qui a donné lieu à cette ingénieuse badinerie qu’il lui écrivit sur le Valentin[1]. On suivit le dessin de madame de Rambouillet de point en point. C’est d’elle qu’on a appris à mettre les escaliers à côté pour avoir une grande suite de chambres, à exhausser les planchers et à faire des portes et des fenêtres hautes et larges et vis-à-vis les unes des autres ; et cela est si vrai que la Reine-mère, quand elle fit bâtir le Luxembourg, ordonna aux architectes d’aller voir l’hôtel de Rambouillet, et ce soin ne leur fut pas inutile. C’est la première qui s’est avisée de faire peindre une chambre d’autre couleur que de rouge ou de tanné[2] ; et c’est ce qui a donné à sa grand’chambre le nom de la chambre bleue[3].

  1. Ce passage nous donne la clef de la lettre de Voiture sur le château du Valentin, situé près de Turin. (Voyez la lettre quatre-vingt-quinzième de Voiture.)
  2. Couleur du tan, qui tire sur celle de la châtaigne.
  3. « La chambre bleue, si célèbre dans les Œuvres de Voiture, étoit parée...... d’un ameublement de velours bleu, rehaussé d’or et d’argent.... : c’étoit le lieu où Arthénice recevoit ses visites. Les fenêtres sans appui, qui règnent de haut en bas, depuis son plafond jusqu’à son parterre, la rendent très-gaie, et laissent jouir sans obstacle de l’air, de la vue et du plaisir du jardin. » (Sauval, Antiquités de Paris, t. 2, pag. 201.)