Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/221

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J’ai dit ailleurs que madame la Princesse et le cardinal de La Valette étoient fort de ses amis. L’hôtel de Rambouillet étoit, pour ainsi dire, le théâtre de tous les divertissemens, et c’étoit le rendez-vous de ce qu’il y avoit de plus galant à la cour, et de plus poli parmi les beaux-esprits du siècle. Or, quoique le cardinal de Richelieu eût au cardinal de La Valette la plus grande obligation qu’on puisse avoir, il vouloit pourtant savoir toutes ses pensées aussi bien que d’un autre ; et, un jour, comme M. de Rambouillet étoit en Espagne, il envoya chez madame de Rambouillet le père Joseph, qui, sans faire semblant de rien, la mit sur le discours de cette ambassade, et après lui dit que monsieur son mari étant employé à une négociation importante, M. le cardinal de Richelieu pouvoit prendre son temps pour faire quelque chose de considérable pour lui, mais qu’il falloit qu’elle y contribuât de son côté, et qu’elle donnât à Son Éminence une petite satisfaction qu’il désiroit d’elle ; qu’un premier ministre ne pouvoit prendre trop de précautions ; en un mot, que M. le cardinal souhaitoit de savoir par son moyen les intrigues de madame la Princesse et de M. le cardinal de La Valette. « Mon Père, lui dit-elle, je ne crois point que madame la Princesse et M. le cardinal de la Valette aient aucunes intrigues ; mais, quand ils en auroient, je ne serois pas trop propre à faire le métier d’espion. » Il s’adressoit mal ; il n’y a pas au monde de personne moins intéressée. Elle dit qu’elle ne conçoit pas de plus grand plaisir au monde que d’envoyer de l’argent aux gens, sans qu’ils puissent savoir d’où il vient. Elle passe bien plus avant que ceux qui disent que donner est un plaisir de roi, car