Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/236

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et dans l’eau des bassins et du grand carré, elle eut une joie étrange de l’étonnement où se trouva le lendemain le marquis, quand on lui montra tant de belles choses.

Madame de Rambouillet a toujours un peu trop affecté de deviner certaines choses. Elle m’en a conté plusieurs qu’elle avoit devinées ou prédites. Le feu Roi étant à l’extrémité, on disoit : « Le Roi mourra aujourd’hui ; » puis : « Il mourra demain. — Non, dit-elle, il ne mourra que le jour de l’Ascension, comme j’ai dit il y a un mois. » Le matin de ce jour-là on dit qu’il se portoit mieux : elle soutint qu’il mourroit dans le jour ; en effet, il mourut le soir[1]. Elle ne pouvoit souffrir le Roi. Il lui déplaisoit étrangement : tout ce qu’il faisoit lui sembloit contre la bienséance. Mademoiselle de Rambouillet disoit : « J’ai peur que l’aversion que ma mère a pour le Roi ne la fasse damner. »

Elle devina, en regardant par la fenêtre à la campagne, qu’un homme qui venoit à cheval étoit un apothicaire. Elle le lui envoya demander, et cela se trouva vrai. Une fois mademoiselle de Bourbon[2] et mademoiselle de Rambouillet se divertissoient à deviner le nom des passans. Elles appelèrent un paysan : « Compère, ne vous appelez-vous pas Jean ? Oui, mesdemoiselles, je m’appelle Jean f..... à votre service. »

Madame de Rambouillet est un peu trop complimenteuse pour certaines gens qui n’en valent pas trop la peine ; mais c’est un défaut que peu de personnes

  1. Elle dit aussi à madame la Princesse qu’elle accoucheroit le jour de Notre-Dame. (T.)
  2. Depuis duchesse de Longueville.