Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/235

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Dans ce voyage de Rambouillet, elle fit dans le parc une belle chose ; mais elle se garda de le dire à ceux qui la furent voir. J’y fus attrapé comme les autres. Chavaroche, intendant de la maison, autrefois gouverneur du marquis de Pisani, eut charge de me faire tout voir. Il me fit faire mille tours ; enfin il me mena en un endroit où j’entendis un grand bruit, comme d’une grande chute d’eau. Moi qui avois toujours ouï dire qu’il n’y avoit que des eaux basses à Rambouillet, imaginez-vous à quel point je fus surpris, quand je vis une cascade, un jet et une nappe d’eau dans le bassin où la cascade tomboit, un autre bassin ensuite avec un gros bouillon d’eau, et au bout de tout cela un grand carré, où il y a un jet d’eau d’une hauteur et d’une grosseur extraordinaires, avec une nappe d’eau encore qui conduit toute cette eau dans la prairie où elle se perd. Ajoutez que tout ce que je viens de vous représenter est ombragé des plus beaux arbres du monde. Toute cette eau venoit d’un grand étang qui est dans le parc en un endroit plus élevé que le reste. Elle l’avoit fait conduire par un tuyau hors de terre, si à propos, que la cascade sortoit d’entre les branches d’un chêne, et on avoit si bien entrelacé les arbres qui étoient derrière celui-là, qu’il étoit impossible de découvrir ce tuyau. La marquise, pour surprendre M. de Montausier, qui y devoit aller, fit travailler avec toute la diligence imaginable. La veille de son arrivée, on fut obligé, la nuit étant survenue, de mettre plusieurs lanternes sur les arbres et d’éclairer les ouvriers avec des flambeaux ; mais sans compter pour rien le plaisir que lui donna le bel effet que faisoient toutes ces lumières entre les feuilles des arbres