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rêtez-vous, lui dit-elle, mon papa, les hommes ne mettent point la main dans le lit de ma grand’maman. »

C’étoit la consolation de cette grand’maman, quand elle demeura toute seule à Paris. À la mort de M. de Rambouillet, elle étoit fort touchée de la voir triste : « Consolez-vous, lui disoit-elle, ma grand’maman, Dieu le veut ; ne voulez-vous pas ce que Dieu veut ? » D’elle-même elle s’avisa de faire dire des messes pour lui. « Oh ! dit sa gouvernante, si votre grand-papa, qui vous aimoit tant, savoit cela ! — Eh ! ne le sait-il pas, dit-elle, lui qui est devant Dieu ? »

Elle n’avoit guère que neuf ans, qu’ayant lu la Fête des fleurs dans Cyrus, elle s’avisa d’elle-même d’en faire une représentation avec les filles du logis, et lorsque madame de Rambouillet ne songeoit à rien moins qu’à cela, cette enfant, avec ses compagnes, toutes en guirlandes, pour la divertir, lui vint jeter à ses pieds une grande mont-joie[1] de fleurs.

C’est dommage qu’elle ait les yeux de travers, car elle a la raison bien droite ; pour le reste, elle est grande et bien faite. Elle s’est gâtée depuis pour l’esprit et pour le corps.

Au printemps de 1658, madame de Montausier se blessa. Elle eût bien fait de n’en rien dire, car c’étoit une espèce de miracle : elle avoit, au compte de sa mère, cinquante-quatre ans. La mère dit qu’elle est accouchée de madame de Montausier à seize ans ; or madame de Rambouillet naquit durant les États de Blois

  1. « Mont-joie signifioit autrefois, enseigne des chemins… Les Mont-joies n’étoient souvent que des monceaux de pierres ou d’herbes qui enseignoient les passants. » (Dictionnaire de Trévoux.)