Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/276

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gner quand il avoit ce carré. Voiture fut bien un autre joueur que son père, comme nous verrons ensuite.

Dès le collége, il commença à faire du bruit ; ce fut là qu’il fit amitié avec M. d’Avaux, et cette amitié produisit ensuite l’amour de madame Saintot[1]. Voici comme cela arriva. M. d’Avaux, un soir, la rencontra masquée, à la Foire, où elle jouoit ; elle avoit tout l’éclat imaginable, l’esprit présent, et aimant à le faire paroître. Cela charma si fort M. d’Avaux qu’il en écrivit une lettre à Voiture. Nonobstant le mari[2], qui étoit d’humeur jalouse, M. d’Avaux eut entrée chez elle. Voiture l’accompagna jusqu’à la porte, mais il n’avoit pas permission de passer outre. Durant qu’il attendoit dans le carrosse, pour ne pas tenir le mulet, il s’accosta d’une voisine de qui il eut une fille qu’on appelle La Touche. Elle a été chez la marquise de Sablé, et puis chez madame Le Page. Enfin, Voiture fut reçu chez madame Saintot, et peu de temps après le mari mourut. Voiture avoit déjà de la réputation, et avoit fait imprimer en une nuit, au-devant de l’Arioste, cette lettre qui a tant couru[3], quand M. de Chaudebonne le rencontra en une maison, et lui dit : « Monsieur, vous êtes un trop galant homme pour demeurer dans la bourgeoisie ; il faut que je vous en tire. » Il en parla à madame de Rambouillet, et le mena chez elle quelque temps après. C’est ce que veut dire Voiture dans une lettre où il y a : « Depuis que M. de

  1. Elle s’appeloit Vion. (T.)
  2. Il étoit trésorier de France. (T.)
  3. C’est la quatrième lettre adressée à madame de Saintot, en lui envoyant le Roland furieux d’Arioste, traduit en françois. (Œuvres de Voiture ; Paris, Courbé, 1660, p. 12.)