Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/277

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Chaudebonne m’a réengendré avec madame et mademoiselle de Rambouillet. » Comme il avoit beaucoup d’esprit, et qu’il étoit assez né pour la cour, il fut bientôt toute la joie de la société de ces illustres personnes. Ses lettres et ses poésies le témoignent assez. La galanterie de madame Saintot ne laissoit pas que d’aller son cours ; la conversation de Voiture lui rendit l’esprit plus poli ; on voit dans une lettre de Voiture qu’elle disoit : pitoable et gausser, et qu’elle croyoit que triste étoit un méchant mot. Enfin, elle parvint à faire de belles lettres. On en a vu des volumes entiers, écrits à la main, courir les rues. À son retour de Flandre, Voiture renoua sa galanterie. Il y avoit eu assez de scandale pour que les frères[1] de madame Saintot lui fissent une insulte, car une fois ils ne vouloient seulement que le jeter par les fenêtres. Cela éloigna Voiture pour quelque temps. Durant son absence, madame Saintot se laissa cajoler par un gentilhomme de Bretagne, nommé La Hunaudaye, pour le faire revenir. En effet, il revint[2]. Elle cependant s’étoit flattée de l’espérance d’être madame de La Hunaudaye, car on dit en Bretagne que M. de La Hunaudaye est un peu moins grand seigneur que le roi. Cela faisoit qu’elle vouloit bien l’épouser. Quoiqu’il n’y eût rien au monde de si opposé à Voiture que cet homme-là, elle l’eût voulu pour mari, et Voiture pour galant. La Hunaudaye, de son côté, étoit aussi jaloux de Voiture.

Comme elle étoit dans cet embarras, elle alla à con-

  1. Guillonnet d’Alibray et Dinville. (T.)
  2. Il alloit changer de linge chez L’Huillier, voisin de la Saintot, et cela afin qu’on le sût, car il étoit vain en amourettes. (T.)