Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/282

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quand il veut ! » Même avec ceux à qui il vouloit plaire, il avoit de grandes inégalités, et souvent il lui prenoit des rêveries comme ailleurs. Quand il étoit chagrin, il ne laissoit pas d’aller voir le monde, mais il étoit fort mal divertissant, et même on pouvoit dire qu’il étoit à charge. Il étoit quelquefois si familier qu’on l’a vu quitter ses galoches en présence de madame la Princesse, pour se chauffer les pieds. C’étoit déjà assez de familiarité que d’avoir des galoches ; mais, ma foi, c’est le vrai moyen de se faire estimer des grands seigneurs que de les traiter ainsi. Nous verrons ensuite qu’il leur parloit assez librement. Madame de Rambouillet dit qu’il n’étoit point intéressé, et que ses négligences lui avoient fait perdre une infinité d’amis ; que pour elle, elle s’en étoit admirablement bien divertie ; que quand elle l’avoit trouvé en humeur de causer, elle l’avoit laissé causer ; qu’aussi, quand il avoit été en humeur de rêver, elle avoit fait tout ce qu’elle avoit eu à faire, comme s’il n’y eût point été.

Il avoit soin de divertir la société de l’hôtel de Rambouillet. Il avoit toujours vu des choses que les autres n’avoient point vues ; aussi, dès qu’il y arrivoit, tout le monde s’assembloit pour l’écouter. Il affectoit de composer sur-le-champ. Cela lui est peut-être arrivé bien des fois, mais bien des fois aussi il a apporté les choses toutes faites de chez lui. Néanmoins c’étoit un fort bel esprit, et on lui a l’obligation d’avoir montré aux autres à dire les choses galamment. C’est le père de l’ingénieuse badinerie ; mais il n’y faut chercher que cela, car son sérieux ne vaut pas grand’chose, et ses lettres, hors les endroits qui sont si naturels, sont pour l’ordinaire mal écrites. On a eu grand tort de n’en pas ôter