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Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/281

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se plaint dans une lettre à Costar[1]. Pour moi, j’aurois quelque opinion que c’est feu Malleville qui les a ajoutées, car, outre que cela est assez de son air, la première personne qui m’en a parlé est une femme[2] avec laquelle il étoit fort bien. Elle me les dit par cœur, car elle apprenoit tout ce qu’il faisoit : or, il y a dans cette pièce que Voiture

Est un Alexandre en peinture,
Et un Démosthène en sculpture.


Cette femme, qui faisoit le bel esprit, disoit :

« C’est un démistaine en peinture. »

Voiture étoit petit, mais bien fait ; il s’habilloit bien. Il avoit la mine naïve, pour ne pas dire niaise, et vous eussiez dit qu’il se moquoit des gens en leur parlant. Je ne l’ai pas trouvé trop civil, et il m’a semblé prendre son avantage en toute chose. C’étoit le plus coquet des humains. Ses passions dominantes étoient l’amour et le jeu, mais le jeu plus que l’amour. Il jouoit avec tant d’ardeur qu’il falloit qu’il changeât de chemise toutes les fois qu’il sortoit du jeu. Quand il n’étoit pas avec ses gens, il ne parloit presque point. D’Ablancourt ayant demandé à madame Saintot, du temps qu’elle n’extravaguoit pas, ce qu’elle trouvoit de si charmant à cet homme qui ne disoit rien : « Ah ! répondit-elle, qu’il est agréable parmi les femmes,

  1. Dans la seconde partie de la Défense de Voiture. (T.)
  2. Mademoiselle Véron. (T.)