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Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/29

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garde ; Cavoye avoit tort. À quelques jours de là, il lui en demanda pardon[1].




MADAME D’AIGUILLON[2].


J’ai déjà dit qui elle étoit et comment elle fut mariée, à Combalet, qui étoit mal bâti et couperosé, et qui n’avoit rien que la jeunesse. Elle conçut une telle aversion pour lui, qu’elle ne le pouvoit souffrir et étoit dans une mélancolie effroyable. Quand il fut tué aux guerres des Huguenots, de peur que, par quelque raison d’État, on ne la sacrifiât encore, elle fit vœu un peu brusquement de ne se marier jamais et de se faire Carmélite. Ce fut aux Carmélites mêmes qu’elle fit ce vœu ; elle s’habilla aussi modestement qu’une dévote de cinquante ans. Elle n’avoit pas un cheveu abattu. Elle portoit une robe d’étamine, et ne levoit jamais les yeux. Avec ce harnois-là elle étoit dame d’atour de la Reine-mère et ne bougeoit de la cour. C’étoit alors la grande fleur de sa beauté. Cette manière de faire dura assez long-temps. Enfin, son oncle devenant plus puissant, elle commença à mettre des languettes, après elle fit

  1. Louis XIV se repentit de s’être ainsi livré au premier mouvement de sa violence, car on le vit jeter sa canne par la fenêtre, de peur d’en frapper Lauzun.
  2. Marie-Madeleine de Vignerot, mariée en 1620 à Antoine Du Roure de Combalet. Le cardinal, son oncle, acheta pour elle en 1638 le duché d’Aiguillon. Elle mourut en 1675, et son Oraison funèbre fut prononcée par Fléchier.