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l’avoit blessé ; il disoit qu’il l’avoit été par un laquais qui les avoit séparés. Cela se vérifia pourtant après. Chapelain et Conrart furent contre lui ; mais ils n’avoient garde de faire autrement, car Voiture se moquoit d’eux et de Costar aussi, quoique ce Costar croie tout le contraire. Il ne faut que lire leurs lettres pour s’en convaincre[1]. M. et madame de Montausier se déclarèrent pour Chavaroche, et ce qui étonna le plus Voiture, c’est que Arnauld fut plutôt pour Chavaroche que pour lui. Madame de Rambouillet eut un étrange chagrin de cette aventure. Cela étoit ridicule en soi à des gens de cinquante ans, qui disoient ou devoient dire tous deux leur bréviaire, car ils avoient des bénéfices, ou des pensions sur des bénéfices, et puis elle avoit peur qu’on ne dît des sottises de sa fille : elle est pourtant bien revenue de cela, la demoiselle. M. de Grasse (Godeau) brusquement s’en alla faire une méchante pièce de ce combat, où il faisoit battre un pourceau contre un brochet. On appeloit Chavaroche le pourceau, parce qu’il alloit si souvent à Yères[2], qu’on le nomma le pourceau de l’abbaye[3] ; et à cause que la lettre de la carpe à M. le Prince[4] commence par mon compère le brochet, M. le Prince appela long-temps

  1. Voyez l’article sur Costar, qui fait bien connoître ce pitoyable homme.
  2. Dont mademoiselle de Rambouillet étoit abbesse.
  3. Ceci donne l’explication d’un passage d’une lettre que Voiture écrivit à Chavaroche pour le prier d’assister sa sœur dans un procès : « En récompense, lui dit-il, je vous promets que de ma vie je ne vous appellerai pourceau, et que je vous donnerai la première chapelle qui sera à ma nomination. » (Lettre 147e de Voiture, p. 311 de l’édition de 1660.)
  4. Lettre 143e de Voiture, ibid., p. 303.