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Voiture, mon compère le brochet[1]. Mademoiselle Paulet, aussi brusque que le prélat, alla lire cette pièce à madame de Rambouillet, comme une chose bien récréative. J’y étois ; elle en avoit un ennui mortel, mais elle n’en témoigna rien. Depuis, M. de Montausier a fait ôter, par le moyen de Pélisson, l’endroit de la pompe funèbre qui parle de ce combat. Depuis ce temps, Voiture n’alla plus si souvent à l’hôtel de Rambouillet.

Voiture ne survécut guère à cet exploit ; le jeu lui avoit fait venir la goutte, peut-être les dames y avoient-elles contribué. Il mourut au bout de quatre ou cinq jours de maladie, pour s’être purgé ayant la goutte.

À propos de jeu, une fois qu’il avoit fait vœu de ne plus jouer, il alla chez le coadjuteur pour se faire dispenser de son vœu ; il y trouva Laigues[2] qui lui dit : « Moquez-vous de cela, jouons. » Effectivement il le fit jouer et lui gagna trois cents pistoles, sans le laisser parler au coadjuteur. Le vin ne lui peut pas avoir donné la goutte, car il ne buvoit que de l’eau. Voici un vaudeville que Blot[3], gentilhomme de M. d’Orléans, fit en une débauche :

Quoi ! Voiture, tu dégénère !
Sors d’ici, maugrebieu de toi.
Tu ne vaudras jamais ton père,
Tu ne vends du vin, ni n’en boi.


  1. On dit qu’un prince a dit, je crois que c’étoit M. le duc d’Enghien : « Si Voiture étoit de notre condition, il n’y auroit pas moyen de le souffrir. » (T.)
  2. Geoffroy, marquis de Laigues, capitaine des gardes de Gaston, duc d’Orléans. Il entra très-avant dans le parti de la Fronde, comme on le voit dans les Mémoires du cardinal de Retz. Il mourut en 1674.
  3. Blot, baron de Chauvigny, spirituel chansonnier de la Fronde,