Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/304

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’avoir pas voulu, par envie, envoyer les choses nécessaires dans la place ; mais ils ne persuadèrent personne. On remarqua qu’à la vignette de cette feuille imprimée, il y avoit des oisons bridés, et on disoit plaisamment que la Providence avoit permis cela pour avertir le monde qu’il n’y avoit que des oisons bridés qui pussent croire ce qu’ils disoient. Il y a eu toujours quelque chose qui s’est opposé à l’élévation de cette famille, témoin Thionville, où leur ressource, M. de Feuquières, fut défait. Le cardinal de Richelieu lui avoit donné une armée à commander pour le faire maréchal de France ; on l’avoit cru capable de tout, car il commandoit fort bien sous un autre.

Pour revenir à Arnauld, ce pouvoit être faute d’expérience ; mais je ne saurois croire que ce fût faute de cœur, car j’ai ouï dire au cardinal de Retz, alors abbé, lui qui n’aimoit point tout ce qui pouvoit être ami du Père Joseph, ni de pas un des suppôts du cardinal de Richelieu, qu’il avoit secouru Arnauld sur le Pont-Neuf, l’ayant trouvé seul, l’épée à la main, contre six soldats. Il est vrai qu’il eut le malheur d’être accusé de n’avoir pas bien secouru à Nordlingen, et d’avoir rapporté qu’on ne pouvoit passer par un marais, et cela fut cause que l’aile gauche, où étoit le maréchal de Gramont, fut toute défaite.

À Lérida, il fut blessé à la tête et pris en une sortie, s’étant résolu de payer de sa personne, et la même campagne, il prit Ager, en Catalogne. Je ne crois pas pourtant qu’il eût beaucoup de génie pour la guerre, car, étant dans tous les plaisirs de M. le Prince, il eût acquis la réputation de Marsin, s’il l’eût méritée. Il a rendu à M. le Prince un grand service durant sa