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ARNAULD LE PÉTEUX[1].


Arnauld le péteux étoit demeuré garçon et étoit huguenot ; il avoit été contrôleur des restes[2] par la faveur de M. de Sully ; mais c’étoit un pauvre garçon qui fit bien mal ses affaires. Il ne ressembloit à ses frères ni en esprit ni en vanité. On le surnomma le péteux, à cause que de jeunesse, il s’étoit accoutumé à péter partout. Madame Des Loges lui dit une fois : « Vois-tu, mon pauvre garçon, tous les Arnauld ont du vent ; la différence qu’il y a, c’est que les autres l’ont à la tête, et toi tu l’as au cul. » Il logeoit avec sa sœur L’Hoste et son neveu de Montfermeil, un grand mélancolique qui n’est pas plus sage qu’un autre. Il falloit que ce pauvre bon homme attendît que ce neveu se réveillât lui-même pour se lever les dimanches, car Montfermeil est aussi huguenot, et quelquefois ils arrivoient à mi-presche : ce fou ne veut pas qu’on l’éveille. Il vivoit avec tant de céré-

  1. Louis Arnauld, secrétaire du Roi, contrôleur-général des restes, étoit, dit Arnauld d’Andilly, le seul de tant de frères qui n’avoit pas l’esprit fort élevé. (Mémoires d’Arnauld d’Andilly, dans la Collection des Mémoires relatifs à l’histoire de France, deuxième série, tome 33, pag. 324.) Le neveu se donne bien de garde de donner à son oncle le beau surnom qui distinguoit ce dernier des autres Arnauld.
  2. Restes, reliqua rationum, débits des comptables. (Dictionnaire de Trévoux.)