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Il avoit succédé au président Jeannin, qui dit, quand on le fit surintendant : « De quoi se sont-ils avisés de m’aller charger de leurs finances ? le moindre marchand fera cela. » C’étoit encore un homme de bien : quand il vit à Tours que la partie étoit faite pour mettre M. de Schomberg en sa place, il dit au roi : « Sire, je suis vieux, je vous prie de me donner M. de Schomberg pour successeur. »

Ce M. d’Andilly s’est mêlé de vers et de prose, mais il n’a guère de génie ; il sait et il a de l’esprit. Il a été dévot toute sa vie. Il épousa une grande femme brune qui n’étoit pas mal faite ; on vouloit faire passer madame Arnauld d’Andilly pour une sainte. Elle étoit fille d’un fort honnête homme d’auprès de Caen, nommé M. de La Boderie[1]. Il fut secrétaire de M. de Pisani en une ambassade de Rome, puis résident je ne sais où, et enfin ambassadeur en Angleterre. C’est ce qui fit la connaissance de M. d’Andilly et de M. et de madame de Rambouillet.

M. d’Andilly perdit sa femme qu’il étoit encore vigoureux ; d’ailleurs c’est le plus ardent et le plus brusque des humains : je vous laisse à penser s’il n’étoit pas incommodé n’ayant plus de femme à éveiller.

Il lui arriva en ce temps-là une assez plaisante chose. La nuit, il entend souffler ; il se réveille, et met la main sur des cheveux ; le voilà qui croit aussitôt que le diable le vient tenter, comme si le diable n’avoit que cela à faire. Il dit : « Si tu es de Dieu, parle ; si tu es du diable,

  1. Antoine Lefèvre de La Boderie, habile négociateur, mourut en 1615. Ses Ambassades en Angleterre ont été publiées en 1750, en 5 volumes in-12, par les soins de l’abbé de Pomponne, son petit-fils.