Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/322

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cution. Sa veuve fut gouvernante de mademoiselle de Longueville. Au sortir de là, elle se retira à Port-Royal, abbaye auprès de Chevreuse, dont une de ses sœurs étoit et est encore abbesse. Le Maistre, l’avocat, son fils, s’y retira après, et eut au commencement permission d’y faire accommoder une chambre dans la basse-cour. Il travailloit de ses mains, béchoit la terre, portoit la hotte en habit de bure, gros chapeau et gros souliers, et faisoit aussi les affaires de la maison. Après, les religieuses, à cause du lieu malsain, ayant été transférées en partie au faubourg Saint-Michel, M. d’Andilly s’y retira, mais avec son équipage ordinaire, et il y fit un fruitier et quelque petit logement séparé des religieuses. Il a toujours été jardinier, et, par une curiosité ridicule, il avoit à Andilly jusqu’à trois cents sortes de poires dont on ne mangeoit point[1]. D’autres se joignirent à eux, M. Arnauld, M. de Singlin, M. Rebours et autres ; ils firent faire aussi dans Port-Royal du faubourg un logement pour eux dans la basse-cour. Ils ne donnent rien à l’extérieur. Leur autel est fort simple, et on dit que c’est un autel fort dévot.

  1. On ne sait comment Tallemant a pu trouver ridicule qu’Arnauld d’Andilly, retiré à Port-Royal-des-Champs, ait fait de la culture des arbres fruitiers l’objet d’une innocente distraction. La postérité, plus juste que les contemporains envers cet honnête homme, n’oubliera pas qu’on lui doit les notions les plus utiles sur la culture des arbres fruitiers. Modeste par système, il a donné, en 1652, sous le nom de Le Gendre, curé d’Hénonville, un livre intitulé : La Manière de bien cultiver les arbres fruitiers. Il a perfectionné les espaliers ; il a inventé les contre-espaliers, et sa plus douce récompense a été l’honneur qu’Anne d’Autriche lui faisoit d’accepter, chaque année, quelques-uns de ses plus beaux fruits. (Voyez l’Histoire de la vie privée des François, par Le Grand d’Aussy, Paris, 1782, t. I, p. 169 et suiv.)