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LA MARQUISE DE SABLÉ[1].


La marquise de Sablé est fille du maréchal de Souvré[2], gouverneur du feu Roi ; mais elle ne lui ressemble pas, car elle a bien de l’esprit. J’ai déjà dit qu’elle avoit été fort galante. M. de Montmorency, dont par vanité elle vouloit être servie, la méprisoit et la faisoit enrager ; elle dissimuloit tout cela par ambition. Voici ce que j’en ai appris après coup : elle étoit fort jeune quand il la vint voir la première fois ; c’étoit dans une salle basse, dont une des fenêtres étoit ouverte. Au lieu d’entrer par la porte, il entra en voltigeant par la fenêtre ; cette disposition[3] et un certain air agréable qu’il avoit la charmèrent d’abord, et elle se sentit prise. Il y eut plusieurs absences durant le cours de cette galanterie. Une fois qu’il revenoit de Languedoc, elle étoit à Sablé, et elle envoya un gentilhomme au-devant de lui à une demi-journée pour lui témoigner l’impatience qu’elle avoit de le revoir : il lui

  1. Madeleine de Souvré, femme de Philippe-Emmanuel de Laval, marquis de Sablé, seigneur de Boisdauphin, fils du maréchal de Boisdauphin ; née vers 1608, elle mourut en 1678.
  2. Gilles de Souvré, né vers 1562, mort en 1646.
  3. Ce mot est pris dans le sens d’agilité. Ainsi madame de Sévigné disoit, en parlant du duc de Saint-Aignan : « Il a toujours servi le Roi à genoux avec cette disposition que les gens de quatre-vingts ans n’ont jamais. » (Lettre de madame de Sévigné au comte du Bussy, du 27 juin 1687.)