Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/328

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nazilloit, disoit la marquise, et qu’elle seroit bientôt enrhumée. Plusieurs personnes l’ont pensé faire mourir de frayeur, en disant, sans y songer, que leur sœur, leur frère, leur tante, avoient quelque rougeole ou quelque fièvre continue. Comme Mademoiselle (de Montpensier) avoit la petite-vérole, feu M. de Nemours, qui fut tué par M. de Beaufort en 1649, alla voir la marquise. Dès qu’elle le vit, elle lui demanda s’il n’avoit pas été assez imprudent pour passer chez Mademoiselle. « Oui, dit-il. — Je m’en vais gager, ajouta-t-elle, que vous avez monté en haut. — Je voulois parler à quelqu’un, répondit-il, mais une de ses femmes est venue au-devant de moi. » Il disoit tout cela par malice. Voilà la marquise qui fait un grand cri et le chasse. Madame de Longueville vint un peu après qui trouva la chambre toute pleine de fumée, car on y avoit brûlé de tout ce qui peut chasser le mauvais air. Après lui en avoir fait des excuses, elle disoit à tout bout de champ : « Pour cela, madame, ce M. de Nemours est le plus étrange homme du monde ; mais qui a jamais vu rien de pareil ? »

Quand il la faut saigner, elle fait d’abord conduire le chirurgien dans le lieu de la maison le plus éloigné de celui où elle couche. Là, on lui donne un bonnet et une robe-de-chambre, et s’il a un garçon, on fait quitter à ce garçon son pourpoint, et tout cela, de peur qu’ils ne lui apportent le mauvais air. Une fois qu’elle étoit chez la maréchale de Guébriant, au faubourg Saint-Germain, elle disoit : « Ah ! que je suis empêchée ! par où m’en retournerai-je ? J’ai vu sur le Pont-Neuf un petit garçon qui a eu depuis peu la petite-vérole, il demande l’aumône ; en le chassant, mes gens