Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/339

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elles trois n’ont pu parvenir à être prêts ensemble. À six heures, on commençoit à penser à mettre les chevaux ; ils y étoient bien deux heures avant qu’on sortît, et souvent il leur est arrivé de commencer les visites à huit heures du soir. Ils incommodent tout le monde qu’ils vont voir ; les uns se vont mettre à table, les autres y sont déjà ; quelques-uns se couchent quand on leur vient dire que M. le comte ou madame la comtesse de Maure les demandent. Tambonneau, conseiller au parlement, trouva, en revenant d’une assemblée, la comtesse de Maure chez lui qui le venoit solliciter. On se lève chez eux si tard que toute leur peine est de trouver encore des messes.

Mais voici la plus grande folie de toutes, c’est qu’avec soixante mille livres de rente, et pas un enfant, ils n’ont jamais un quart d’écu. Le comte se faisoit toujours de sottes affaires, et faisoit enrager ses juges et ses arbitres, car ce qu’il conçoit n’entre jamais dans la cervelle d’un autre ; il a de l’esprit pourtant, et elle aussi en a beaucoup ; mais quelquefois elle est naïve, et donne dans le panneau tout comme un autre. L’abbé de La Victoire, qui l’appelle la folle, et le mari le bon, lui fit accroire une fois qu’on avoit fait M. Conrart, qui est huguenot, marguillier de Saint-Merry. « Regardez, disoit-elle, sa grande réputation, sa grande probité, ont fait passer par-dessus sa religion ! » Elle a toujours ou croit avoir quelque grande incommodité, et a sans cesse quelque lavement dans le corps. Une de ses parentes[1] lui laissa du bien en mourant, et ce qu’il y avoit de plus considérable étoit un bon nombre

  1. Une madame de Montigny Bérieux, Italienne. (T.)