Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/35

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Gautier dit délicatement, parlant du crédit qu’elle avoit auprès de son oncle : « Ce Samson n’avoit plus de force quand il étoit entre les bras de cette Dalila. » Elle, en revanche, fit reprocher à M. le Prince, par Hilaire, son avocat, qu’il s’étoit mis à genoux devant le cardinal de Richelieu pour avoir mademoiselle de Brézé pour M. d’Enghien. Il se leva et dit que cela étoit faux, mais il n’y a rien de plus vrai. Il offrit même au cardinal mademoiselle de Bourbon pour son neveu de Brézé ; et le cardinal dit en cette occasion une des plus raisonnables choses qu’il ait dites de sa vie : « Une demoiselle peut bien épouser un prince, mais une princesse ne doit point épouser un gentilhomme. » Feu M. le Prince fit tant de fautes dans les emplois de guerre qu’il eut, qu’il fut réduit à offrir ses enfants ; encore le cardinal les alloit-il malmener, s’ils ne se fussent bien réduits. Il vouloit que M. d’Enghien, pour avoir négligé de voir M. le cardinal de Lyon, à Lyon, au retour de Perpignan, retournât le chercher à Marseille ; mais il n’y alla pas, on trouva le moyen de l’en exempter.

Feu M. le Prince fit à madame d’Aiguillon un méchant tour pour la duché d’Aiguillon. Par une pendarderie du lieutenant civil Moreau, cette duché fut adjugée à quatre cent mille livres, et les créanciers en offroient huit cent mille. Or, durant le procès, se voyant assistés d’un prince du sang, ils offrirent encore quatre cent cinquante mille livres, et il fallut que madame d’Aiguillon, qui n’eût plus été duchesse sans cela (car, quand elle eût acheté un autre duché, on n’eût pas reçu aisément une femme, et il falloit attendre pour cela la majorité), les payât dans la journée.