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M. d’Avaux[1]. Il en fit, et cela a souvent fait rire les gens.

Ce misérable fut si fou que de se marier, par une licence poétique, à l’imitation du poète Daurat[2]. Il me souvient qu’on me contoit dans la maison où servoit cette fille qu’il épousa, qu’en se regardant dans le miroir, elle disoit : « Faut-il qu’un vieillard manie ces tétons-là ? » Cette femme a la plus méchante tête du monde ; sans elle il auroit ramassé quelque chose, car ceux pour qui il faisoit des vers, et ceux à qui il présentoit son livre imprimé, dont il avoit retenu tous les exemplaires, lui donnoient honnêtement ; mais cette enragée bat tous les jours quelqu’un et ruine le pauvre poète de procès criminels. Il n’est pas à se repentir de s’être mis dans la nasse ; il tâche de la faire aller en Canada, et selon que cela va bien ou mal, il est gai ou mélancolique.

Avant que de se marier il lui arriva une aventure admirable. Il avoit je ne sais quelle habitude vituperosa avec une nymphe de la rue des Gravilliers. Certain filou ne le trouva pas bon ; ils se querellèrent dans la rue ; le filou, qui étoit jeune et vigoureux, prit

  1. Voici la première strophe de cette pièce :

     L’autre jour Jupiter manda
     Par Mercure et par ses prévôts,
     Tous les dieux, et leur commanda
     Qu’on fît honneur au grand d’Avaux.
    (Œuvres de Voiture, deuxième partie, p. 93, édition de 1660.)

  2. Charles IX ayant demandé à Daurat de quoi il s’étoit avisé de se marier si vieux avec une jeune fille : « Sire, lui répondit-il, c’est une licence poétique. » (T.)