Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/372

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maître Claude, dit M. Conrart. — Pour l’amour de vous, je vous le dirai ; je ne l’enseignerois pour rien à un autre ; non, ma foi, par Dieu ! » Il haranguoit toujours, et ne disoit point la recette ; enfin, lui dit-il : « Ayez une douzaine de cochets, et les élevez au coin de votre feu ; quand ils seront en état d’être chaponnés, prenez le plus gras, chaponnez-le vous-même, et en lui tirant ce que vous savez du corps, dites : Je te donne mes gouttes, puissent-elles ne me jamais revenir. Puis recousez bien la plaie, vous verrez insensiblement ce pauvre chapon devenir entrepris de ses jambes, elles lui enfleront, et vous vous sentirez allégé à mesure. »

Il est à cette heure concierge à Rambouillet, parce qu’il est devenu vieux. Madame de Rambouillet lui manda, il y a trois ou quatre ans, qu’il fît tout préparer, et qu’il auroit bientôt compagnie. Il crut que toute la cour iroit ; et quand il ne vit que M. et madame de Montausier et mademoiselle de Rambouillet : « Quoi ! leur dit-il, il n’y a que vous, et j’avois pris tant de peine ! une autre fois je ne croirai pas si de léger[1]. »

Il racontoit un jour la comédie d’Euridice, que le cardinal avoit fait jouer en musique, et il disoit à une femme-de-chambre : « Vous voyez l’enfer, et là vous voyez venir Plutarque. — Plutarque ? reprit cette fille ; ne seroit-ce pas Pluton ? — Pluton ou Plutarque, dit maître Claude, qu’importe ! »

  1. Expression italienne : di leggiero.