Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/390

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tant fait que Pétrarque. Il n’a garde de le dire ce secret, car je crois qu’il n’en a point ; quand il lui est arrivé d’en faire un en commençant par la fin, il dit que c’est ainsi qu’il faut faire ; quand, au contraire, il n’a fait la fin qu’après tout le reste, il soutient qu’il ne faut jamais commencer par la conclusion. Il sait aussi un secret pour jeter son homme à bas à la lutte ; il en sait un autre pour lui faire sauter le poignard des mains, mais il ne vous le dira pas.

Il a cru que M. Arnauld, le mestre-de-camp, lui a toujours voulu un peu de mal depuis qu’aux champs il lui donna une botte en faisant des armes. Il s’est battu, dit-il, quatre fois en duel ; il disoit même qu’il s’étoit battu deux fois en une heure, et, parlant de cela avec plaisir, il s’en vantoit. S’étant trouvé à la campagne en lieu où l’on couroit la bague, il gagna le prix sans l’avoir jamais courue. Il se piquoit de bien danser[1] et de bien faire des armes ; et souvent il lui est arrivé de pantalonner, et de se mettre en garde devant ses plus familiers. Une fois même il se battit dans la rue : c’étoit contre un homme qui l’avoit querellé sur un logement qu’ils prétendoient tous deux ; il lui dit : « Passez à telle heure devant ma porte, je sortirai avec une épée. » Il fit lâcher le pied à l’autre, et il disoit en racontant cela : « Quoi ! cet homme qui choisit les pavés, qui marche si proprement ! Il poussoit l’autre dans la boue et ne se soucioit pas de se crotter. » Ils furent séparés.

  1. Il a bien dansé, à ce qu’il dit ; pour moi je ne lui trouve rien de naturel, et mademoiselle de Rambouillet dit que, quoiqu’il chante de sa vieille cour, les gens n’étoient point faits comme lui, et qu’il a toujours été unique en son espèce ; j’entends aux habits près. (T.)