Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/410

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de diamants que le roi d’Espagne avoit donné à M. de Rambouillet, préoccupée de cette amourette, entendit le roi de Suède, au lieu du roi d’Espagne, et le dit partout. Ce fut ce qui fit venir la pensée à Voiture d’envoyer ce portrait et cette lettre. Depuis, sur la mort de ce grand prince, M. d’Andilly et M. Godeau firent des galanteries à mademoiselle de Rambouillet. Enfin, comme on ne savoit où on en étoit, et qu’on ne pouvoit deviner qui avoit fait cette pièce, ils firent réflexion sur ce que Chapelain s’étoit vanté de les tromper encore, et lui envoyèrent Chavaroche[1] lui demander s’il n’avoit point fait l’Aigle de l’empire, aussi bien que le Récit de la Lionne. Il l’avoua sur l’heure aussi ingénuement que l’autre fois.

Après, madame de Rambouillet s’en vengea. M. de Saint-Nicolas, aujourd’hui M. d’Angers[2], avoit envoyé à M. Chapelain un livre de taille-douce qu’on appelle I Scherzi del Carracio ; ce sont les frontispices des palais de Gênes. M. Chapelain les prête à madame de Rambouillet. Au même temps, M. de Brienne, sans savoir qu’elle l’eût déjà, lui envoie un autre exemplaire, mais assez mal en ordre, et déchiré en quelques endroits. M. Conrart la vint voir comme elle avoit ces deux livres : « Je vous prie, lui dit-elle, puisqu’ils sont reliés de même, rendez de ma part celui de M. de Brienne à M. Chapelain, pour savoir ce qu’il dira. » M. Conrart le lui porte. Chapelain, en levant les épaules, dit : « Je vous avoue que cela m’étonne :

  1. C’étoit l’intendant de l’hôtel de Rambouillet. (Voyez plus haut l’article Voiture.)
  2. Henri Arnauld. (Voyez l’article Arnauld.)