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rapporter à lui. Il demande à Patru comment à son égard il en doit user, lui qui, à cause de sa femme, y avoit le même droit que les autres. « Hé ! lui dit Patru, vous ne serez pas juge et partie ; vous ne devez rien prendre pour vous, et c’est à eux à en user après comme ils le trouveront à propos. » Ne vous déplaise, il se donna autant qu’aux autres, et les deux frères, qui croyoient en être quittes à meilleur marché, furent bien surpris de voir qu’outre cela Conrart s’étoit mis au rang des autres. Ils en passèrent pourtant par là et rengaînèrent une tenture de tapisserie et autres choses qu’ils lui avoient destinées. Depuis cela, il prit à ce M. de Barré une estime pour Patru la plus grande du monde, et il a voulu être son ami et le mien ensuite.

Or, Conrart trouvoit la belle-sœur de Barré fort jolie ; ailleurs elle n’eût pas laissé de l’être, mais dans cette famille disgraciée c’étoit un vrai soleil. Il la vouloit traiter du haut en bas. Il vouloit qu’elle fût sous sa férule, en être le patron, et la mener partout où il lui plairoit. Cette femme, qui étoit plus fine que lui, le laissa dire, et en a fait après à sa mode, mais doucement toutefois, car elle a affaire à une des plus sottes familles du monde. Un jour qu’elle étoit allée par complaisance promener avec lui et Sapho[1], et autres beaux esprits du Samedi, elle dit par hasard : « J’ai été norrie. — Il ne faut pas dire cela, lui dit-il, d’un ton magistral, il faut dire nourrie. » Cela l’effaroucha un peu, et comme elle n’avoit déjà aucune incli-

  1. On appeloit ainsi mademoiselle de Scudéry.