Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/427

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nation à faire le bel esprit, elle ne voulut pas se promener davantage avec toutes ses héroïnes. Quoique cela ne plût guère à Conrart, il ne laissa pas de continuer à tâcher de se rendre maître de cet esprit. Une fois il lui prit fantaisie d’avoir le portrait de sa belle-sœur, car il affecte d’avoir le portrait de ses amies. Un beau matin il envoie sa femme, qui vint dire à madame de Barré « que M. Conrarte (elle prononce ainsi à la mode de Valenciennes, d’où elle est) n’avoit pu dormir de toute la nuit, tant il avoit d’impatience d’avoir son portrait. » Il fallut donc vite lui en faire faire un par le peintre qu’il nomma, par le plus cher, et il la laissa fort bien payer. Il exerce encore quelque sorte de tyrannie sur elle, car il faut qu’elle aille le voir régulièrement, et elle veut bien avoir cette complaisance pour son mari ; mais en son âme elle se moque terriblement de M. le secrétaire de l’Académie. Regardez un peu quelle figure de galant ! j’ai vu qu’il se faisoit les ongles en pointe, et au même temps il s’arrachoit les poils du nez devant tout le monde : il y prétend pourtant ; il est vrai qu’au prix de Chapelain, il pourroit passer pour tel, au moins pour son ajustement, car il est toujours assez propre.

Rien, que je crois, ne l’a tant fait enrager que de voir comme je l’ai planté là, et que Patru et moi soyons les bons amis de sa belle-sœur. Voici comment cela arriva : nous n’en étions plus que sur la grimace, quand il lui prit une vision de loger dans une maison au Pré-aux-Clercs que Luillier avoit fait accommoder à ma fantaisie, et dont j’avois planté le jardin à ma mode, une maison que j’aimois tendrement ; son prétexte étoit qu’on m’avoit ouï dire que la maison étoit à vendre ;