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vit si pompeuse, et qui avoit le dessus sur la Reine même[1]. Parlons un peu des Polonois.

On les logea dans l’hôtel de Vendôme ; là, une infinité de personnes les alloient voir manger. Ils mangeoient le plus salement du monde, et se traitoient de grosse viande à leur mode ; car ils avoient demandé qu’au lieu de les nourrir on leur donnât leur argent à dépenser. Les maîtres donnoient à leurs valets de ce qu’ils mangeoient, et derrière eux leurs gens dînent et soupent en même temps. Mais ce qu’il y avoit de plus barbare, c’est qu’ils fermoient la porte et ne laissoient sortir personne qu’ils n’eussent trouvé leur compte de leur vaisselle d’argent, qui étoit assez médiocre. On dit qu’une fois ayant trouvé quelque chose à dire, ils mirent presque tous, au moins tous les domestiques, le cimeterre à la main, et firent grande peur aux assistants, qui ne furent pas sans inquiétude tandis qu’on chercha cette pièce de vaisselle. Par la ville, leurs valets étoient assez insolents, et prenoient souvent du fruit aux revendeuses sans le payer.

On fit pour eux quelques assemblées au Palais-Royal, où madame de Montbazon et mademoiselle de Toussy, depuis la maréchale de La Mothe, approchant le plus de leur taille, leur plurent plus que tout le reste : quelques-uns se firent habiller à la françoise, et prirent des perruques. M. de Bassompierre les traita à Chaillot, et il y fut bu egregiè.

  1. Anne d’Autriche, avec une politesse toute françoise, céda le pas à la reine de Pologne pendant toute cette journée. (Mémoires de Motteville, t. 37, p. 159 de la deuxième série de la Collection des Mémoires relatifs à l’histoire de France.)