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Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/47

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réchal, après la mort de la maréchale et de son mari.

Ce mari devint un peu dévot, et disoit à sa femme parfois qu’il falloit changer de vie. Il y a apparence que le maréchal s’en défit à cause de cela, car il fut tué à l’affût, le maréchal étant de la partie. Depuis, il croyoit voir un lièvre blanc, et souvent lui et ses gens crioient : « Ne le voyez-vous pas ? il court par la chambre. » Avril, dont j’ai parlé ci-dessus, et son fils, sénéchal de Saumur, qui m’a conté ce que je viens d’écrire, n’ont jamais rien vu. Il y en a qui ont cru que le cardinal de Richelieu lui avoit fait mettre cette vision dans l’esprit pour le tenir à la province.

La Dervois pourtant ne vint point à bout de son dessein. Peut-être craignit-elle le cardinal de Richelieu, qui apparemment n’eût pas trouvé bon qu’on eût ainsi contaminé sa noblesse. La Dervois faisoit tout chez le maréchal et dans la province. Elle se levoit dès quatre heures, étoit servante et maîtresse tout à la fois, faisoit ses affaires et celles du maréchal en même temps, et étoit plus habile que tout son conseil. Il lui est arrivé souvent de déchirer ce qu’on avoit dressé, et de dicter les actes elle-même. Elle envoyoit des gens de guerre où elle vouloit ; elle en envoya même à Angers, à cause qu’elle étoit mal satisfaite d’un des officiers du Présidial. Pour complaire au maréchal, qui étoit le plus grand tyran du monde pour la chasse, jusque là que les personnes de qualité n’osoient avoir un chien, ni une arquebuse pour tirer seulement dans leur parc (car il fit une fois rompre la porte d’un, parce qu’il y avoit ouï tirer, tuer les chiens et casser les arquebuses), la Dervois fit attacher un prê-