Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/48

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tre au pied d’un arbre tout un jour, avec un lièvre, qu’il avoit tué, autour du cou.

Il avoit mis sur la porte de Milly, car il étoit honnêtement hargneux : Nulli nisi vocati. Sur cela on fit un conte. On dit que quelques avocats étant allés pour lui parler, il les gronda fort, et leur demanda qui les avoit faits si hardis que de venir sans être mandés, et s’ils n’avoient pas lu ce qui étoit sur la porte : « Oui, monseigneur, dit l’un d’eux, il y a nulli nisi vocati, rien que des avocats. » Il se mit à rire, et les écouta. Un jeune homme de Saumur y étoit allé une fois pour jouer à la longue paume avec le marquis de Brézé. On lui donna avis qu’il se retirât. C’est qu’outre cela le maréchal étoit jaloux de la Dervois comme d’une belle créature ; en ce temps-là elle étoit passée.

Pensez que sans le cardinal de Richelieu, il n’eût pas été autrement en état de faire ce qu’il faisoit ; cependant il ne se tourmentoit pas trop de lui, et ne lui a jamais guère fait la cour. Je me souviens d’un couplet qu’il disoit, sur l’air de Daye dandaye :

Buvons à l’illustre Brézé,
Qui s’est si bien désabusé
De cette chimère importune
 De la fortune.


Cependant le cardinal lui faisoit du bien, de peur qu’on ne crût que quelqu’un se pouvoit passer de lui.

Il lui arriva une assez plaisante chose à son entrée à Barcelonne, quand il y fut envoyé vice-roi. Il s’étoit fait tout le plus beau qu’il avoit pu. Quelques Catalans disoient : « Es muy bizarro esté marechal. » Un bon gentilhomme de sa suite, étonné de ce mot bizarro