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Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/49

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(galant), disoit à un autre : « Qui diable a déjà dit l’humeur de M. le maréchal à ces gens-ci ? »

Il écrivoit bien, et étoit galant et civil quand l’humeur lui en prenoit. Il a écrit à Ménage un million de fois ; et comme il aimoit à lire, Ménage lui envoyoit des livres qu’il prenoit fort bien, sans songer à lui faire le moindre présent. Ce n’étoit pas pourtant par avarice, mais il lui demandoit souvent son mémoire, ce que l’autre n’avoit garde de lui envoyer.

Il disoit de sa fille, comme si c’eût été la fille d’un autre : « Ils vont faire cette petite fille princesse[1], » et ne s’en émouvoit pas plus que cela. M. le Prince alloit voir la Dervois avant que de voir le maréchal. Ce fut elle qui le fit résoudre à vendre le gouvernement d’Anjou à M. le Prince.

Retournons à ses amours. Il y avoit à Saumur chez la sénéchale une belle fille qui étoit sa nièce. Elle s’appeloit Honorée de Bussy, fille d’une veuve bien demoiselle[2]. Le maréchal s’en éprit. Il la mena avec cette tante voir le sacre d’Angers, et lui avoit fait faire une espèce d’échafaud où il y avoit des degrés. Elle étoit seule tout au haut, et il avoit fait mettre à ses pieds les plus belles filles de la ville. C’étoit proprement la gloire de Niquée[3]. Il y avoit des gardes

  1. Claire-Clémence de Maillé-Brézé épousa le grand Condé le 11 février 1641. Elle est morte à Châteauroux le 16 avril 1694. Elle y avoit été reléguée à la suite d’une aventure avec un Rabutin, cousin du comte Bussy Rabutin. (Voyez la Lettre de madame de Sévigné du 23 janvier 1671.)
  2. Molière lui lisoit toutes ses pièces, et quand l’Avare sembla être tombé : « Cela me surprend, dit-il, car une demoiselle de très-bon goût et qui ne se trompe guère, m’avoit répondu du succès. » En effet, la pièce revint et plut. (T.)
  3. L’un des enchantements du roman d’Amadis de Gaule.