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fille, M. d’Effiat emmena le comte de Beauvais en Angleterre. Elle soutint que le mariage avoit été consommé, car Beauvais étoit bien fait, elle étoit belle, et traita toujours La Meilleraye du haut et bas. C’étoit une extravagante. Elle mourut jeune[1], après avoir eu un fils, qui est aujourd’hui grand-maître de l’artillerie. M. de La Meilleraye eut cette charge.

Après la mort de son beau-père, par son second mariage avec mademoiselle de Brissac, il eut la lieutenance de roi de Bretagne et le Port-Louis. Il est gouverneur de Nantes, où il a vécu encore plus tyranniquement qu’ailleurs.

C’est un grand assiégeur de villes, mais il n’entend rien à la guerre de campagne. À la campagne de Charlemont, où tout alla si mal, pour être parti avant qu’il y eût du fourrage et que les chemins fussent beaux, Rumigny le trouva qui crioit dans sa chambre comme un désespéré : « N’ai-je point un ami au monde qui me donne un coup de pistolet dans la tête ? » Rumigny fit fermer la porte de crainte qu’on ne vît le général en cet état, et lui remontra que le cardinal entendroit ses raisons, qu’il avoit voulu qu’on mît trop tôt en campagne, que le pays étoit gras et que le canon ne pouvoit marcher. Le maréchal envoya à la cour, et les ennemis n’ayant point encore mis en campagne, il ne reçut point d’échec. Si on l’eût attaqué, il étoit perdu, car il avoit été obligé de séparer ses troupes.

Il est brave, mais fanfaron, violent à un point étrange. Je pense que la meilleure action qu’il ait faite de sa vie fut au blocus de La Rochelle qu’on fit avant le

  1. Elle mourut d’une fausse couche. (T.)