Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/65

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

je ne pourrois pas m’empêcher de l’aimer d’amour. » Elle ment comme tous les diables : c’est un petit homme mal fait et jaloux, et je sais bien qu’un jour, à Bourbon, une de ses femmes-de-chambre lui ayant essayé en riant le bandeau d’une veuve qui étoit là, et lui ayant dit : « Madame, que cela vous siéroit bien ! » elle se mit à rire, et lui dit : « Que tu es folle ! » Sans la peur du diable, elle l’auroit fait mille fois cocu. Elle croit qu’il n’y a point de pardon pour l’adultère. Elle est coquette, badine et follette naturellement, mais cela la retient ; peut-être l’humeur violente de cet homme lui fait-elle peur aussi. On dit qu’elle seroit fort plaisante en amourette. Nous parlerons encore bien des fois d’elle et de son mari dans les Mémoires de la Régence. Je dirai seulement, pour faire voir son humeur fière, qu’un jour (en 1648) qu’elle se trouva chez la Reine au Palais-Royal, où madame de Longueville et mademoiselle de Guise vinrent, on parla d’aller à la comédie. Or, il y avoit toujours assez de presse, parce qu’il n’en coûte rien. La maréchale pria madame de Longueville de la laisser passer devant, parce qu’après elle on n’avoit plus de considération pour personne. Madame de Longueville la fait passer. La maréchale entre la première, et se place bien à son aise sur un banc qu’on avoit gardé pour madame de Longueville, qui fut contrainte de donner la moitié de sa place à mademoiselle de Guise, et fut si incommodée, que la plupart du temps elle aima mieux se tenir debout. La maréchale, au lieu de se lever, disoit : « Je veux avoir place, moi. » On vit bien que c’étoit pour cela qu’elle avoit demandé à passer devant.

Pour le maréchal de La Meilleraye, il n’y a pas