Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/72

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il fit donner congé à La Vieuville : ce fut à Saint-Germain, et ce jour-là comme il partoit, on lui fit faire un charivari épouvantable par tous les marmitons, pour lui jouer, disoit-on, un branle de sortie.

Louis XIII, rebuté des débauches de Moulinier et de Justine, deux des musiciens de la chapelle, qui ne le servoient pas trop bien, leur fit retrancher la moitié de leurs appointements. Marais, le bouffon du Roi, leur donna une invention pour les faire rétablir. Ils allèrent avec lui au petit coucher danser une mascarade demi-habillés. Qui avoit un pourpoint n’avoit point de haut-de-chausses. « Que veut dire cela ? dit le Roi. — C’est, Sire, répondirent-ils, que gens qui n’ont que la moitié de leurs appointements ne s’habillent aussi qu’à moitié… » Le Roi en rit et les reprit en grâce.

Au voyage de Lyon, en une petite ville nommée Tournus, entre Châlons et Mâcon, un gardien des Cordeliers voulut faire accroire à la Reine-mère que le Roi en passant y avoit fait parler une muette en la touchant, comme si elle eût eu les écrouelles. On lui montra la fille. Ce bon Père disoit l’avoir vu, et après lui, toute la ville le disoit aussi. Le Père Souffran fit faire une procession et chanter. La Reine prend ce bon religieux, et, ayant joint le Roi, elle lui dit qu’il devoit bien prier Dieu de la grâce qu’il lui avoit faite d’opérer par lui un si grand miracle. Le Roi dit qu’il ne savoit ce qu’on lui vouloit dire, et le Cordelier disoit : « Voyez la modestie de ce bon prince ! » Enfin le Roi déclara que c’étoit une fourberie et vouloit envoyer des gens de guerre pour punir ces imposteurs.

Dès-lors il aimoit déjà madame d’Hautefort, qui n’étoit encore que fille de la Reine. Les autres lui disoient :