Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/78

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page de la chambre aussi bien que Barradas ; mais c’étoit, et c’est encore, un homme qui n’a rien de recommandable, et qui est mal fait. Celui-ci dura plus long-temps que l’autre, et alla à deux ou trois ans près de M. le Grand. Il y a fait fortune, et est duc et pair reçu au parlement. Le cardinal se servit encore de quelque dégoût du Roi ; car il ne vouloit pas que ces petits favoris le tracassassent trop.

Depuis, M. de Chavigny, que Barradas n’avoit point salué, en je ne sais quel lieu, à cause que l’autre lui avoit fait une incivilité en une rencontre, entreprend de le faire reléguer. On lui envoie un ordre d’aller en une province éloignée. Le Roi dit : « Je le connois, il n’obéira pas. » L’exempt, qui fut chez Barradas, voyant qu’il vouloit aller faire sa réponse lui-même au Roi, aima mieux la recevoir par écrit, et le cardinal dit que l’exempt avoit fait sagement ; mais il gronda M. de Chavigny et lui dit : « Vous l’avez voulu, monsieur de Chavigny, vous l’avez voulu, achevez donc. » Cela n’eut pas de suite, et durant le siége de Corbie, où Barradas eut permission de voir le Roi, il proposa à M. le comte d’arrêter le cardinal. Il demandoit pour cela cinq cents chevaux, et, suivi de ses amis et de ses parens, avec un cordon bleu et un bâton de capitaine des gardes, il faisoit état d’attendre le cardinal à un défilé ; qu’il y avoit apparence que le cardinal, surpris de voir un homme que le Roi aimoit encore, et n’ayant pas le don de ne se pas étonner, perdroit la tramontane, et qu’on le mèneroit où l’on voudroit ; que pour le Roi, il étoit en colère de l’insulte des Espagnols et du manque de toutes choses, et on étoit assuré qu’il haïssoit déjà le cardinal. « J’en parlerai à Monsieur,