Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/9

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mail eut aussi un rendez-vous de même ; et cela fit un si grand éclat que madame de Saint-Paul ne la voulut plus souffrir, et le général des galères fut contraint de la retirer. On croira peut-être que c’étoit une fort belle personne ? non : elle étoit marquée de petite vérole ; mais elle étoit fort agréable, vive, pleine d’esprit, et la plus galante personne du monde. Elle s’ennuya bientôt chez sa sœur qui étoit une dévote, et, comme ils étoient à Montmirail en Champagne, un beau jour elle s’en alla au Charme : c’est un prieuré de dames, dépendant de Fontevrault. Elle dit qu’elle vouloit être religieuse. Elle n’y fut pas long-temps qu’elle demanda à aller aux Carmélites du faubourg Saint-Jacques, parce que les Carmélites sont à Paris. Le cardinal a mis dans son Journal que ce fut par désespoir du grand scandale arrivé à Amiens qu’elle s’étoit jetée dans les Carmélites[1]. Ce fut là qu’elle fit connoissance avec le cardinal Bérulle, qui étoit directeur des Carmélites. Toutes les religieuses lui en dirent des merveilles ; car comme elle avoit l’esprit fort adroit, et que ces filles, à tout prendre, qui sont les plus habiles et les plus éclairées de toutes les religieuses, peuvent mieux voir les dons qu’a une personne, elle passa là dedans pour

  1. « Mademoiselle Du Tillet dit qu’elle ne s’étonna pas quand on ôta La Fargis de chez la Reine, mais bien quand on lui avoit permis, vu la vie qu’elle avoit toujours faite ; qu’elle s’étoit jetée dans les Carmélites par désespoir du scandale qui étoit arrivé à Amiens, lorsqu’elle étoit avec Madame, où Créquy devoit entrer par la fenêtre et le comte de Cramail, qui l’étoient venus trouver déguisés. » Journal de M. le cardinal duc de Richelieu, première partie ; Amsterdam, Wolfgank, 1664, in-12, p. 49-50.