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Esprit, l’académicien, le fut voir à la Bastille. « Voilà un homme, dit-il, qui est bien seigneur de la terre dont il porte le nom. » Chacun dans la Bastille disoit : « Je pourrai bien sortir de céans dans tel temps. — Et moi, disoit-il, j’en sortirai quand M. Du Tremblay en sortira[1]. »

Il ne vouloit pas sortir de prison que le Roi ne l’en fît prier, parce que, disoit-il, il étoit officier de la couronne, bon serviteur du Roi, et traité indignement ; « puis, je n’ai plus de quoi vivre. » Ses terres étoient ruinées. Le marquis de Saint-Luc lui disoit : « Sortez-en une fois ; vous y rentrerez bien après. » Au sortir de là, il disoit « qu’il lui sembloit qu’on pouvoit marcher par Paris sur les impériales de carrosses, tant les rues étoient pleines, et qu’il ne trouvoit ni barbe aux hommes, ni crin aux chevaux. »

Il ne tarda guère à rentrer dans sa charge de colonel des Suisses : Coislin avoit été tué à Aire ; La Châtre lui avoit succédé ; mais comme il étoit un peu important[2] et soupçonné d’être du parti de M. de Beaufort, on y remit M. de Bassompierre, qui en avoit touché quatre cent mille livres, et l’autre l’avoit bien acheté de madame de Coislin. La Châtre et sa femme, tous

  1. Le Clerc Du Tremblay étoit alors gouverneur de la Bastille.
  2. On avoit donné, par dérision, le nom d’Importants à ceux qui suivoient le parti du duc de Beaufort. (Esprit de la Fronde ; Paris, 1672, tom. I, pag. 156.) « On les nomma les Importants, parce qu’ils débitoient des maximes d’État, déclamoient contre la nouvelle tyrannie, et prétendoient rétablir les anciennes lois du royaume. » (Histoire de la Fronde, par le comte de Saint-Aulaire ; Paris, 1827, tome I, pag. 105.)