Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 3.djvu/23

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Comme ç’a été la première personne de son sexe qui ait écrit des lettres raisonnables[1], et que d’ailleurs elle avoit une conversation enjouée et un esprit vif et accort, elle fit grand bruit à la cour. Monsieur, en sa petite jeunesse, y alloit assez souvent ; et comme il se plaignoit à elle de toutes choses, on l’appeloit la linotte de madame Des Loges. Quand on lui fit sa maison, il lui donna quatre mille livres de pension, disant que son mari n’étoit point payé de sa pension de deux mille livres qu’il avoit comme gentilhomme de la chambre. Cela n’étoit pas autrement vrai, et elle quitta le certain pour l’incertain, car le cardinal de Richelieu, soupçonnant quelque intrigue, lui fit ôter les deux mille livres ; et elle, qui vit bien qu’on la chasseroit, se retira d’elle-même en Limosin[2]. Son mari en étoit, et elle avoit marié une fille à un M. Doradour, chez qui elle alla.

Elle avoit une liberté admirable en toutes choses ; rien ne lui coûtoit ; elle écrivoit devant le monde. On alloit chez elle à toutes heures ; rien ne l’embarrassoit. J’ai déjà dit ailleurs qu’elle faisoit quelquefois des impromptus fort jolis.

On a dit qu’elle étoit un peu galante. Le gouverneur de MM. de Rohan, nommé Haute-Fontaine, a été son favori ; Voiture y a eu part, à ce qu’on prétend ; ce fut elle qui lui dit une fois : « Celui-là n’est pas bon, per-

  1. Ses lettres ne sont pas trop merveilleuses ; cela étoit bon pour ce temps-là. Bortel a eu raison d’empêcher Conrart de les faire imprimer : il vouloit aussi faire un Recueil de vers sur sa mort. Tout cela est avouétré. (T.) — Avouétré pour avoytré, avorté, qui n’est pas venu à terme. (Dict. de Nicot.)
  2. C’étoit en 1629. (T.)