Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 3.djvu/24

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cez-nous-en d’un autre. » Une fois Saint-Surin, qui étoit si amoureux de la fille de madame de Beringhen (on a remarqué que quand il en tenoit bien, il étoit jaune comme souci) ; Saint-Surin, dis-je, qui étoit un galant homme, ne bougeoit de chez les deux sœurs, qui logeoient vis-à-vis l’une de l’autre ; une fois donc qu’il étoit chez madame Des Loges, un certain M. d’Interville, conseiller, je pense, au grand conseil, s’étoit assis familièrement sur le lit, et faisoit le goguenard ; Saint-Surin et d’autres éveillés, pour se moquer de lui, prirent la courte-pointe et l’envoyèrent cul par sur tête dans la ruelle.

Celui qui a eu le plus d’attachement avec madame Des Loges ç’a été un Allemand nommé Borstel. Étant résident des princes d’Anhalt[1], il fit connoissance avec elle, et apprit tellement bien à parler et à écrire, qu’il y a peu de François qui s’en soient mieux acquittés que lui. Il la suivit en Limosin. Le prétexte fut qu’ils avoient acheté ensemble de certains greffes en ce pays-là. Il avoit transporté tout son bien en France. Comme il se vit en un pays de démêlés, il ne voulut point se mettre parmi la noblesse ; et comme il n’avoit pas une santé trop robuste, il se feignit plus infirme qu’il n’étoit, afin de rompre tout commerce avec ces gens-là. Il fut même quelques années sans sortir de la chambre ; cela fit dire qu’il avoit été dix-huit ans sans voir le jour qu’à travers des châssis, et qu’il fut long-

  1. Il y avoit quatre ans quand Henri IV fut tué. Depuis, comme il a eu la faiblesse de cacher son âge, Balzac l’a appelé cet ambassadeur de dix-huit ans. À son compte, il falloit qu’il l’eût été à quatorze, comme vous le verrez par la suite. (T.)