Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 3.djvu/38

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

entre autres plaintes que le chancelier fit de lui, il se plaignit fort de ce qu’il n’avoit pas fait une panse d’a pour lui. Quand La Chambre, son médecin, voulut mettre au jour son livre du raisonnement des bêtes[1], il dit au chancelier qu’il doutoit s’il le lui devoit dédier, de peur que cela ne fît faire des railleries ; le chancelier répondit qu’il se moquoit des railleries. Il avoit autrefois l’abbé de Cerisy chez lui, La Chambre, qui y est encore, et Esprit[2], tous trois de l’Académie. Pour être loué il donnoit sur le sceau quelques pensions, mais il laissoit bien aussi charger ce pauvre sceau, et à proprement parler, c’étoit le public qui payoit ces beaux esprits. Esprit se brouilla avec lui, comme nous verrons dans l’histoire de M. de Laval. Pour La Chambre, il y demeura toujours et est le patron, car le chancelier, tout dévot qu’il est, est un grand garçailler ; il paie ses demoiselles en arrêts, et autres choses semblables ; mais comme il y a quelquefois du mal dans ses chausses, La Chambre, qui le traite, est fort absolu, et se prévaut un peu de la confidence ; il est atrabilaire.

C’est une pillauderie épouvantable que celle de ses gens ; en voici une belle preuve. Un jour que les comédiens du Marais jouèrent au Palais-Royal, le chancelier, qui y étoit, trouva Jodelet, leur fariné, fort plaisant ; il en fut si charmé que, pour tout dire en un

    vers 1654. On a de lui diverses poésies dans les Recueils du temps, une Vie du cardinal de Bérule et quelques autres ouvrages.

  1. La Connoissance des Bêtes ; Paris, 1648, in-4o.
  2. Jacques Esprit, de l’Académie françoise, mort en 1678. On lui attribue le livre intitulé de la Fausseté des vertus humaines. Lié avec madame de Sablé et avec le duc de La Rochefoucauld, il passe pour avoir eu quelque part aux Maximes.