Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 3.djvu/396

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lui prend de l’argent pour faire croire que ç’avoit été des voleurs. Elle en reconnut un qui étoit procureur-fiscal du faubourg Saint-Germain, nommé Plessis ; c’étoit le factotum de Chabenas : elle obtint prise de corps contre lui. Je pense que tout s’accommoda pour quelque argent.

Bazinière fit mettre des couronnes à son carrosse du temps qu’elles étoient moins communes qu’elles ne sont ; ce fut en se mariant. Depuis, quelqu’un, en parlant de la multitude des manteaux de ducs qu’on voyoit, dit devant Mademoiselle : « Je ne désespère pas que Bazinière n’en mette un. — Non, dit-elle, il ne mettra qu’une mandille. »


COURCELLES, CADET DE BAZINIÈRE.


Le cadet de Bazinière, nommé Courcelles, étoit fort étourdi, et faisoit la plus folle dépense du monde : il achetoit à crédit des chevaux et des chiens à de grands seigneurs, et les revendoit à vil prix après pour avoir de l’argent. De cette façon ou autrement il devoit quelque somme au marquis de Pienne, aujourd’hui gouverneur de Pignerol. Courcelles se moqua de lui au lieu de le satisfaire. L’autre, l’ayant trouvé un jour au Cours tout seul, l’appela. Courcelles, en jeune homme, va dans son carrosse ; Pienne, qui étoit accompagné, fit toucher à toute bride, sans faire autre bruit, et le mène au logis d’un de ses amis. En entrant il cria, pour lui faire peur : « Çà, çà, des étrivières. » Ce garçon fut si outré de ce mot d’étrivières, que, seul, comme il étoit, et sans armes, il se jette au cou de