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Pienne pour l’étrangler. On l’emmena dans une chambre en le menaçant toujours. Cela lui émut tellement la bile qu’encore qu’on l’eût bientôt relâché sans lui avoir donné le moindre coup, et rien fait de pis que le menacer, il en mourut pourtant au bout de trois jours. Il y a apparence qu’il avoit plus de cœur que son aîné. La mère voulut poursuivre ; mais on l’apaisa. Ce fut après le mariage de son frère que cette aventure arriva.


MADAME DE SERRAN.


La fille aînée de La Bazinière, qui n’étoit nullement jolie, avoit été accordée, du vivant du cardinal de Richelieu, à Plessis-Chivray[1], frère de la maréchale de Gramont : on attendoit qu’elle eût douze ans pour la marier. Le cardinal mort, la mère, en donnant soixante mille livres au cavalier, demeura en liberté de marier sa fille à qui il lui plairoit. Bautru, qui, avec cinq cent mille écus de bien, ne cherchoit encore que de grands partis, ayant manqué mademoiselle de Noailles, maria son fils, qu’on appelle M. de Serran, avec cette fille qui n’avoit guère que douze ans, et à qui on donna quatre cent mille livres en mariage. La voilà donc chez

  1. Plessis-Chivray fut depuis tué en duel par le marquis de Cœuvre ; c’est un des plus beaux combats de la régence. Il n’y eut point de raillerie. Ils étoient seuls et avec de petites épées. On fut étonné qu’ayant le coup qu’il avoit il eût pu avoir encore deux heures pour songer à sa conscience : on attribua cela au scapulaire de la Vierge qu’il portoit, et depuis bien des jeunes gens en portent. Cœuvre fut aussi fort blessé ; mais il eut l’avantage. (T.)