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ne continuât sur ce ton-là, elle la tire. « Hé ! où pensez-vous être ? lui dit-elle. » Madame de Rohan revint, et lui dit en riant : « Vous êtes une méchante femme de ne m’en avoir pas avertie de meilleure heure. » Elle dit, pour s’en aller, qu’elle étoit conviée à dîner en ville.

Son fils (M. de Rohan, père de madame de Rohan la jeune[1] étoit sans doute un grand personnage. Il n’avoit point de lettres, cependant il a bien fait voir qu’il savoit quelque chose ; on a deux ou trois ouvrages de lui : le Parfait capitaine, les Intérêts des princes et ses Mémoires[2] : on a dit que ce n’étoit pas un fort vaillant homme, quoiqu’il ait toute sa vie fait la guerre, et qu’il soit mort à une bataille. On en fait un conte : on disoit que de frayeur il sella une fois un bœuf au lieu d’un cheval, et on l’appela quelque temps le bœuf sellé ; cependant il payoit de sa personne quand il le falloit.

Dans son Voyage d’Italie, il y a une terrible pointe : il parle d’un homme de fortune qui étoit à la cour d’Angleterre ; on l’accusoit de venir d’un boucher. « On ne peut pas dire, dit-il, qu’il ne vienne de grands saigneurs. » En parlant de la Villa Ciceronis, qui est au royaume de Naples, il met : « La métairie de Cicéron où il composa le plus beau de ses ouvrages, et entre autres le Pandette[3]. » Quelque sot d’Italien lui avoit

  1. Marguerite, duchesse de Rohan, seule héritière de son père, épousa, en 1645, Henri Chabot, simple gentilhomme, et porta dans cette maison le titre et les armes de Rohan.
  2. Les Mémoires du duc de Rohan ont été réimprimés dans le t. 18 de la seconde série de la Collection Petitot.
  3. On lit en effet dans le Voyage du duc de Rohan, Amsterdam,