Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 3.djvu/50

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La galanterie qui a fait le plus de bruit, c’est celle qu’elle fit avec M. de Candale ; il n’étoit pas bien fait de sa personne, mais il avoit beaucoup d’esprit et étoit fort agréable : ce n’étoit ni un brave ni un grand capitaine. Madame de Rohan étoit très-jolie, et avoit quelque chose de fort mignon ; d’ailleurs née à l’amour plus que personne du monde, et qui disoit les choses fort plaisamment. M. de Saint-Luc en étoit en possession, quand M. de Candale vint à la cour. La grandeur du père faisoit qu’on le regardoit comme une illustre conquête : elle lui fit toutes les avances imaginables. Lorsqu’il fut marié, elle le brouilla avec sa femme, et fut cause qu’il se démaria. Sa femme lui offrit le congrès, il ne voulut pas l’accepter ; ensuite madame de Rohan lui fit changer de religion. Il y avoit souvent noise entre eux, et quand il fut revenu à l’Église romaine, il dit à madame Pilou : « Qu’il n’y avoit point de mauvais offices que madame de Rohan ne lui eût rendus. Elle m’a mis mal, disoit-il, avec le Roi, avec mon père et avec Dieu, et m’a fait mille infidélités ; cependant je ne m’en saurois guérir. » Il laissa tout son bien à mademoiselle de Rohan, aujourd’hui madame de Rohan, qui ne le voulut point accepter. Guitaut, depuis capitaine des gardes de la Reine-mère, vengea M. de Saint-Luc, à qui il avoit été, car il coucha avec elle, et puis la battit bien serré dans un démêlé qu’ils eurent ensemble. Madame Pilou lui débaucha feu d’Aumont, cadet du maréchal d’aujourd’hui, et le maria ; elle lui débaucha aussi Miossens, mais madame de Rohan n’en a rien su, et elle le maria comme l’autre. Un jour elle égratigna Miossens, car, ayant appris qu’il avoit été au bal au Louvre,