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envoya son chirurgien. Il y avoit alors des comédiens à Mantoue. Vis-à-vis de cette maison logeoit le Pantalon de cette troupe, dont la femme étoit fort jolie et de fort bonne composition. De son lit, Ruvigny la voyoit à la fenêtre. Dès qu’il put sortir, il y alla : dans trois jours l’affaire fut conclue, et ils en vinrent aux prises. Ruvigny fut malade trois mois de cette folie. Guéri, M. de Candale le fit aller à Venise pour faire une compagnie de chevau-légers : cela fut cause qu’il ne se trouva pas au siége de Mantoue.

Il ne mettoit pas mademoiselle de Rohan en danger de devenir grosse. Regardez quelle bonne fortune il avoit là ! Soigneux de la réputation de la belle, il prenoit garde à tout ; et il fut long-temps sans qu’on se doutât de rien, à cause, comme j’ai dit, qu’il étoit en quelque sorte de la maison. L’été, il alloit à l’armée par honneur ; cela le faisoit enrager d’être obligé de quitter. Ce commerce dura près de neuf ans.

Cette Rachel, dont nous avons parlé, s’étoit doutée de la grossesse de madame de Rohan, et long-temps après elle découvrit que l’enfant avoit été mené en Normandie, auprès de Caudebec, chez un nommé La Mestairie, père du maître d’hôtel de madame de Rohan. Mademoiselle de Rohan en parle à Ruvigny, qui, sous des noms empruntés, consulte l’affaire : il trouve qu’étant né constant le mariage, il seroit reconnu si on avoit la hardiesse de le montrer. Il lui dit que si elle veut l’envoyer aux Indes, il en prendra le soin ; après il communique la chose à Barrière[1], leur ami com-

  1. Gentilhomme devers le Bordelais, frère de madame de Flavacour, ci-devant Saint-Louis, fille d’honneur d’Anne d’Autriche. (T.)